«On ne peut laisser à la rue toutes ces personnes », estime le cardinal Jean-Pierre Ricard, après l’expulsion de centaines de squatteurs à Bordeaux.

Bordeaux (Gironde) De notre correspondant régional
La Croix 31 juillet 2019

Environ 300 nouvelles personnes vivent sans toit à Bordeaux, après une série d’évacuations de squats menée ces dernières semaines dans la métropole par la préfecture de la Gironde. Une demi-douzaine de squats auraient été évacués en un mois. La situation précaire de ces occupants a fait réagir l’archevêque de Bordeaux. « Des familles, femmes enceintes et enfants en bas âge ont été expulsés », relève le cardinal Jean-Pierre Ricard dans un communiqué, lundi 29 juillet. « La question du relogement se pose. On ne peut laisser à la rue toutes ces personnes, surtout dans la chaleur de l’été. » Faute de places en hébergement d’urgence, le 115 refuserait chaque jour d’héberger 44 familles, en moyenne, avec des enfants de moins de 3 ans, selon Médecins du monde.

« Pouvoirs publics et associations doivent tout faire pour répondre à cette question », poursuit l’archevêque: « Avoir un toit est un droit fondamental. “Une terre, un toit, un travail sont des droits sacrés”, nous dit le pape François. Avec lui nous tirons “la sonnette d’alarme qui nous avertit du déclin moral qui nous guette si l’on continue à concéder du terrain à la culture du rejet”.

L’Eglise rejoint ainsi l’opposition des associations (Médecins du monde, Arev, Ovale Citoyen…) et des collectivités locales à la ligne ferme tenue par Fabienne Buccio. Connue pour son évacuation du camp de migrants à Calais, la nouvelle préfète de Gironde a dit sa « surprise » face au nombre de squats constaté à son arrivée – 150 abritant 1 500 personnes, essentiellement dans la métropole bordelaise. « Pour éviter les situations de Toulouse et de Nantes où ça débordait dans les rues, j’ai voulu agir », a-t-elle justifié le 17 juillet dernier lors d’une conférence de presse, invoquant des cas de « traite d’êtres humains » dans les filières de migrations.

Depuis le début de l’été, la représentante de l’État multiplie donc les expulsions dans des conditions contestées. Car si la préfecture assure que des diagnostics sociaux sont menés en amont de ces opérations et que des solutions d’hébergement d’urgence sont proposées à tous les ayants droit (demandeurs d’asile, réfugiés, familles avec enfants en bas âge…), les associations soutenant les sans-abri affirment le contraire.

Après l’occupation de la Bourse du travail par plus de 60 personnes chassées des squats, elles ont obtenu qu’un état des lieux soit dressé par le Samu social sur leur situation. « 70 % étaient des demandeurs d’asile, et quasiment tous éligibles à un hébergement par l’Office français de l’immigration et de l’intégration ou en droit commun », insiste Aude Saldana-Cazenave, coordinatrice régionale de Médecins du monde. Celle-ci rappelle que l’État ne respecte pas ses obligations légales : il manque plus de 2 500 places d’hébergement pour les demandeurs d’asile en Nouvelle-Aquitaine. « Les squats et les bidonvilles sont créés faute de places d’hébergement d’urgence et de logements pour étudiants et travailleurs pauvres », poursuit-elle.

Une mission squat doit être mise sur pied en septembre par Bordeaux-Métropole. Avec les conseils régional et départemental et la mairie de Bordeaux, elle a sollicité la préfecture pour l’ouverture d’un gymnase, sans résultat, puis interpellé le premier ministre. Face à cette « impasse politique », Médecins du monde plaide pour l’utilisation des baux précaires ou la réquisition de logements vides. Bordeaux Métropole en compte 22 473, selon l’Insee.

Simon Barthélémy