Mimoza Shabani, Albanaise de 19 ans, a fui son pays il y a quatre ans. Elle vient d’obtenir son bac mention très bien. Elle espère continuer ses études en France mais elle risque une expulsion.
Ouest-France Nord Finistère, 18 juillet 2019
Témoignage
« Lorsque les résultats du baccalauréat professionnel sont tombés, je n’arrivais pas a le croire. J’ai obtenu avec mention très bien mon BAC ST2S (sciences et technologies de la sante et du social) : 19 en mathématiques, 13 en philosophie, 18 à l’oral de français. Mes efforts avaient payé. Depuis mon arrivée en France en 2015, j’ai tout fait pour réussir. J’avais ce but : me battre pour arriver au même niveau que les autres élèves. Alors chaque jour, je lisais un roman pour apprendre a mieux parler français. Je refusais d’être incomprise à cause de la barrière de la langue. Et chaque matin, je me levais à 4h pour réviser. Je savais que je devais travailler très dur pour rattraper mon retard. Ma mère me disait que j’avais le droit d’aller m’amuser un peu, je refusais, je préférais rester travailler. En plus de mon bac, j’ai fini major de ma classe de terminale.
En Albanie, ma famille était menacée
Ce n’était pas gagné : quand on est arrive avec ma famille à Brest, je ne parlais pas un mot de français. Je ne connaissais même pas la France. On a dû fuir Shkodër, en Albanie, car nous y étions menacés. Là-bas, on enlève les filles pour les mettre de force sur le trottoir. Et on ne peut pas compter sur la justice, à cause de la corruption et de la mafia.
Pendant treize jours, nous avons traversé l’Europe pour partir loin de tout ça. On est passé par le Monténégro, la Croatie, la Slovenie, la Suisse, l’Allemagne et enfin la France. Comme des clandestins. A Brest, j’étais désorientée mais j’avais une lueur d’espoir : celle d’arriver dans un pays avec des valeurs, de la dignité et de la sécurité.
Mes parents n’ont jamais réussi à obtenir leur titre de séjour. Moi, j’ai fait une demande en février 2018, a l’âge de mes 18 ans. Cela fait un an et demi que je n’ai pas de nouvelle de la préfecture. J’attends, mais je désespère. D’habitude, ils envoient une réponse sous trois mois. À tout moment, je peux être arrêtée.
Je me suis battue pour entrer à l’université
C’est frustrant. Je suis admise à la faculté de Brest, pour entrer en première année de médecine. Si ma demande de titre de séjour est refusée, on va m’assigner à résidence, en attendant que je quitte le territoire. Ça me fait peur : je serais obligée d’aller pointer tous les jours à la gendarmerie. Impossible avec les études. Mon frère a du arrêter les cours à cause de ça.
Obtenir ce titre me permettrait aussi d’avoir des aides, pour étudier. Je me suis battue pour entrer à l’université j’espère que mes efforts seront récompensés. Ça me permettra de réaliser mon rêve : devenir médecin.»
Nicolas ARZUR