L’Île-de-France concentre à elle seule la moitié des demandes d’asile du pays. L’État prévoit d’orienter les migrants vers d’autres régions, «déficitaires» en termes d’accueil de réfugiés.
Le Figaro. Steve Tenré. Publié le 08/01/2021 à 14:41
«Mieux héberger», «mieux accompagner», et «mieux prendre en compte les réalités territoriales». Par ces trois formules, présentes dans le nouveau «schéma national d’accueil des demandeurs d’asile et d’intégration des réfugiés 2021-2023 », l’exécutif veut mettre fin aux dérives migratoires gangrénant, notamment, la région francilienne.
Campements sauvages, délinquance et «colline du crack» sont autant de maux découlant du trop-plein de demandes d’asiles effectuées en préfectures d’Île-de-France. Elles sont estimées au nombre de 5017 entre septembre 2019 et janvier 2020. La région parisienne concentre à elle seule 46% des demandes d’asile, alors qu’elle ne dispose, à l’échelle nationale, que de 19% des capacités d’hébergement. «Cette concentration de la demande participe à la constitution de campements insalubres sur la voie publique, et conduit des publics relevant de l’asile vers l’hébergement d’urgence généraliste, ce qui n’est pas sa vocation», explique la ministre déléguée chargée de la Citoyenneté Marlène Schiappa.
Un hébergement garanti pour les migrants réorientés vers d’autres régions
À titre de comparaison, la seconde région la plus demandée, l’Auvergne-Rhône-Alpes, reçoit seulement 9% des demandes d’asile, soit moins que sa capacité. En outre, le taux d’hébergement varie fortement d’une région à l’autre : 93% des demandeurs d’asile sont hébergés en Bourgogne-Franche-Comté tandis que seuls 30% le sont en Île-de-France. Pour pallier cette inégalité territoriale, la France créera en dehors de l’Île-de-France, selon le rapport, 4500 nouvelles places d’hébergement en 2021 (1500 places dans les centres d’accueil et d’examen des situations et 3000 places dans les centres d’accueil de demandeurs d’asile).
Mais surtout, l’administration tentera de rééquilibrer les requêtes en s’appuyant sur une loi du 10 septembre 2018, permettant, lorsque «la part des demandeurs d’asile résidant dans une région excède la part fixée pour cette région par le schéma national», une orientation du solliciteur «vers une autre région, où il est tenu de résider le temps de l’examen de sa demande d’asile.» L’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) déterminera la région d’accueil en fonction de sa part de demandeurs d’asile, de son taux de chômage, de son produit intérieur brut par habitant et de sa population.
En contrepartie, et depuis ce début du mois de janvier, l’État garantit aux migrants réorientés un hébergement. Un titre de transport leur est également remis pour rejoindre les lieux sous cinq jours. En cas de refus de l’hébergement proposé ou de la région dans laquelle il a été orienté, le demandeur risque de perdre toute prise en charge, y compris l’allocation versée à chaque demandeur d’asile. Cette prestation s’élève à 204 euros par mois, ou 426 euros pour ceux qui ne bénéficient pas d’un hébergement. Plus de 151.000 personnes percevaient cette allocation en 2019.
Le plan, qui s’inspire de la politique allemande, prévoit de diviser par deux le poids qui pèse sur l’Île-de-France, en le faisant chuter de 46% à 23%… mais aussi d’augmenter celui des régions aujourd’hui considérées comme «déficitaires» en termes d’accueil de migrants. La part de la Nouvelle Aquitaine, par exemple, passera de 4 à 9%.
Faciliter l’accès aux droits
Encore faut-il pouvoir assurer le suivi des migrants. «Pour éviter les ruptures de parcours», le schéma prévoit de faciliter l’accès aux droits des demandeurs d’asile. Plusieurs voies sont «explorées», dont la dématérialisation «de l’affiliation à la protection universelle maladie Puma et à la complémentaire santé» et de «la demande du titre de séjour», la simplification des «pièces justificatives» pour ouvrir des droits sociaux, et la réduction «des délais d’accès aux formations linguistiques et civiques du contrat d’intégration républicain (CIR)».
Le schéma d’accueil 2021-2023 s’articule également autour d’un «plan vulnérabilités», qui aura pour objectif de mieux prendre en charge les réfugiés. Sont ainsi prévues la création de places d’hébergement spécialisées (300 places pour les femmes en danger, 200 places pour les demandeurs LGBTI), mais surtout une expérimentation d’un «rendez-vous santé», proposé sur la base du volontariat. Les demandeurs d’asile pourront disposer d’un bilan clinique, d’un dépistage de la tuberculose, des maladies infectieuses (Hépatites B et C) et du VIH, ainsi que d’un dépistage des troubles de santé mentale. Un contrôle des vaccinations est également attendu. Trois villes testeront ce rendez-vous au deuxième semestre 2021, pour six mois : Marseille, Strasbourg et Toulouse.
Les dispositifs d’insertion professionnelle seront également intensifiés, en élargissant la gamme des métiers ciblés et en promouvant l’apprentissage pour le public âgé de moins de 25 ans.
Ces mesures suffiront-elles à désengorger l’Île-de-France ? Alors que la capacité du parc d’hébergement français a doublé depuis 2015, passant de 55.000 à près de 110.000 places, l’Hexagone semble toujours sous tension. Dans un entretien au Figaro , Didier Leschi, directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), affirmait que la France voulait «trop bien faire». «Nos centres d’accueil sont beaucoup moins sommaires que dans la plupart des pays d’Europe. Nous ne mettons pas des familles de quatre personnes dans une seule pièce. Nos voisins le font. Et ceux qui arrivent plus vite que notre capacité à ouvrir des places en centre d’accueil, accèdent à l’hébergement d’urgence inconditionnel, ce qu’on appelle le 115. Comme du reste les déboutés. Car nous n’excluons pas les sans-papiers de l’hébergement d’urgence. Beaucoup de pays d’Europe le font.» Et de conclure : «Nous sommes la destination de recours d’une partie de ceux qui ont été déboutés de leur demande dans d’autres pays.»