Le réseau d’aide aux migrants brestois veut alerter l’opinion sur l’attitude des pouvoirs publics, qui s’est, selon lui, particulièrement raidie durant l’été.
Ouest France (Nord-Finistère), 26 Sep 2018. Christine PENNEC
« Je suis en colère, cette politique xénophobe est un gâchis terrible. On dénonce l’attitude du préfet, de l’Éducation nationale… et on voudrait que le public fasse preuve de défiance face à l’attitude de l’État : non, la France n’est pas envahie par les migrants ! » Rémy Galleret, président de la halte accueil Frédéric-Ozanam, ne cache pas son indignation face aux situations, parfois ubuesques, que rencontrent des familles et de jeunes migrants.
« Fin août, un squat a été évacué mettant quatre familles à la rue, explique encore le président. Une famille avec trois enfants de 3 à 5 ans a trouvé un toit grâce à une association, mais deux familles monoparentales sont sans solution. C’est incroyable quand on sait que Brest perd des habitants et des logements se vident… »
Certaines familles, à Brest depuis quatre, cinq ou six ans avec une autorisation de séjour pour soins qui leur permet de travailler, essuient désormais un refus. C’est le couperet. Elles doivent abandonner leur logement et leur travail, souvent dans des secteurs qui peinent à recruter comme le bâtiment ou le maraîchage. Peu importe si les enfants sont scolarisés.
Olivier Cuzon, Rémy Galleret et Yann Foucher représentent une quinzaine d’associations locales et appellent les Brestois à soutenir l’intégration des migrants, adultes et mineurs.
Dix familles expulsées fin septembre ?
Une dizaine de familles avec 22 enfants sont susceptibles d’être expulsées du territoire d’ici la fin du mois. Il s’agit pour la plupart d’Albanais qui ont tous une peur panique du retour au pays face aux possibles vendettas et à la mafia.
La situation des mineurs n’est pas plus envieuse. Environ 120 à 130 adolescents, âgés de 14 à 18 ans et venant d’Afrique de l’ouest, sont hébergés à l’hôtel. Ils sont censés être scolarisés, mais, le plus souvent, « tout est mis en œuvre pour qu’ils ne puissent pas y aller, explique Olivier Cuzon, enseignant encarté auprès du syndicat Sud. L’Éducation nationale se cache derrière une directive pour dire qu’ils n’ont pas de tuteur légal et donc ne peuvent être scolarisés. »
« Et lorsque ce n’est pas l’Éducation nationale, c’est la police qui leur pique leurs papiers sous prétexte de vérification et ne leur rend jamais », renchérit Yann Foucher, secrétaire départementale de la FSU (Fédération syndicale unitaire). Des dizaines de jeunes passent ainsi leur journée à attendre dans leur chambre. Seuls, isolés, démunis. Particulièrement, ceux qui approchent de 18 ans, car ils encourent une reconduction à la frontière pour le simple fait de devenir majeur.
S’ils dénoncent une « politique xénophobe de la part de l’État », les trois hommes soulignent aussi la vitalité de la quinzaine d’associations locales qui supplée à ces manques. « On a besoin de soutien, moral et financier. Non, non, la France n’est pas envahie… »
Contact : via Internet sur reseaumigrantsbrest.fr.
Ci-dessous, un texte remis à la presse par Rémy Galleret, président de la Halte accueil Frédéric-Ozanam, et membre du conseil d’administration de Digemer, pour accompagner la conférence de presse.
Petit zoom didactique sur la mise « à la rue » de familles migrantes
Des familles migrantes avec des enfants scolarisés « à la rue » à Brest !
On évacue des squats sans ménagement, on notifie brusquement des fins de prise en charge de logement par l’Etat, on ne renouvelle pas l’autorisation de séjour de familles établies depuis plusieurs années qui travaillent et dont les enfants suivent une scolarisation normale : des familles et leurs enfants se retrouvent à la rue, ou menacés de l’être, du jour au lendemain, sans solution.
On est à Brest au 21ème siècle, Comment est-ce possible ?
Fin août, un squat a été évacué mettant 4 familles à la rue, la plus fragile (3 enfants dont l’aîné est âgé à peine de 5 ans, le dernier 3 mois 1/2) a pu, par chance, trouver un toit grâce à une association, les 3 autres dont 2 familles monoparentales sont sans solution. On ne leur a même pas proposé un hébergement temporaire à l’hôtel. L’accès au 115 est saturé ou ne leur est pas autorisé. Imaginez la détresse des familles ! D’autres expulsions de squat sont en préparation ; certains sont effectivement des taudis mais ils représentent la seule alternative à la rue.
Certaines familles sont au début de leur parcours de demande d’asile, l’Etat devrait les loger mais faute de moyens les laisse se débrouiller moyennant une allocation dérisoire.
D’autres sont à Brest depuis 4, 5 ou 6 ans,avec souvent une autorisation de séjour pour soins relevant de l’ARS (Agence Régionale de Santé), renouvelable tous les ans et leur donnant le droit de travailler. Le décideur n’étant plus l’ARS (trop conciliante ?) mais l’OFII (Office Français de l’Immigration et de l’Intégration) et l’autorisation est désormais souvent refusée, entraînant automatiquement une OQTF (Obligation de Quitter le Territoire Français).
Là encore, des familles, dont l’un des parents avaient même un CDI, doivent abandonner leur travail (souvent dans le maraîchage qui peine à recruter), leur logement, et peu importe si les enfants vont à l’école.
Des associations, des particuliers généreux font leur possible pour trouver des solutions permettant aux familles de se ressaisir, de préparer, éventuellement, les recours nécessaires mais, maintenant, ces cas se multiplient et les associations ne peuvent plus faire face ni se substituer aux Pouvoirs Publics dont c’est la mission. Cette situation est indigne.Brest a perdu 10 000 habitants depuis l’an 2000. Quand on voit le nombre de logements inoccupés, on ne peut être qu’effaré devant un tel aveuglement.
La plupart des familles expulsées ou en passe de l’être, souvent albanaises, ont une peur panique d’un retour; les analyses d’Amnesty International et même les rapports de mission de l’OFPRA (Office Français Pour les Réfugiés et Apatrides) et de la CNDA (Cour Nationale du Droit d’Asile) sont éloquents sur la situation de ce pays « sûr » ; après 40 ans de dictature stalinienne, prolifération des vieux démons : vendetta barbare, condition de la femme médiévale, mafia crapuleuse, spécialement dans la région de Shköder d’où viennent la plupart des familles fuyant ces fléaux.
Les Pouvoirs Publics devraient faire preuve de créativité, prendre les moyens de les loger, leur fournir un accès aux travaux peu prisés de nos concitoyens parce qu’essentiellement physiques et pénibles, répondre favorablement à leur demande de régularisation au bout de 5 ans, au moins écouter les associations qui les accompagnent depuis des années. Il ne s’agit pas de centaines mais de quelques dizaines de cas.
Si certains se méfient des parents, qu’ils pensent au moins aux enfants !
Aura-t-on un sursaut d’humanité ? Continuera-t-on à dire que tout cela nous dépasse et que l’on doit se satisfaire de décisions administratives arbitraires et parfois incompréhensibles ? La honte est à nos portes !