Après une vie d’angoisse en Russie, Susanna Galstian ne pensait pas qu’il serait si compliqué d’obtenir un titre de séjour au pays des droits de l’Homme. Elle ne pensait pas non plus y recevoir autant de soutien.
- Le Télégramme (Brest), 17 Apr 2022.
- Valérie Gozdik
● L’histoire de Susanna Galstian est une épopée russe. Un mélange de fuite, de peur, d’inconfort et d’errance dont le nouveau chapitre s’écrit dans la chaleur d’un foyer brestois. Susanna Galstian et son fils David ont quitté la Russie en 2018 avec un but : vivre libres. Depuis septembre, mère et fils habitent chez Marie, pétillante et élégante retraitée de Bellevue, qui les a accueillis en toute simplicité. « Si ma fille avait dû fuir son pays, j’aurais aimé qu’elle soit bien accueillie », explique simplement la Brestoise. C’est grâce à une grande chaîne de solidarité, et notamment l’action de l’association Digemer, que Susanna et David ont pu poser leurs valises et leur peine chez Marie.
« J’aime la France, ses peintres et ses auteurs »
En Russie, leur vie était devenue un enfer. Le mari de Susanna, dont elle n’a plus aucune nouvelle, avait attiré l’attention des autorités avec ses affaires : surveillance, filatures, la menace était constante. L’assassinat de l’opposant Boris Nemtsov, de quatre balles dans le dos en février 2015, alors qu’il dénonçait déjà la guerre inexplicable des Russes en Ukraine, a sonné le départ. Aucune vie n’était possible dans l’opposition. Susanna retourne un temps en Arménie, dont elle est originaire mais n’y reste pas, d’autant que les Russes la retrouvent très vite.
Elle obtient finalement un passeport en Russie et saute dans un avion pour Prague, vole ensuite vers Nantes et arrive à Brest avec son fils, le 25 mai 2018. Pourquoi Brest ? « Parce que j’aime la France, ses peintres, ses auteurs », confie la belle blonde de 50 ans, ancienne prof d’italien, dans un sourire qui déplacerait des montagnes et qui a même déjà effacé l’Oural.
Brevet mention bien
David a alors 12 ans, il entre en 5e au collège de Penn ar C’hleuz et, tous les midis, pendant six mois, il appelle sa mère en pleurant car il ne comprend rien à sa nouvelle vie. Deux ans plus tard, il a obtenu son brevet, mention bien. Il est aujourd’hui en seconde au lycée de Kérichen et envisage déjà la suite de ses études, dans un français parfait : « Une licence d’économie, à Brest, à Rennes ou à Nantes. Ici c’est possible d’avoir tous ces projets car l’école nous aide à les réaliser ». Il faut voir la chaleur de ses beaux yeux noirs qui passent de Marie à sa mère pour comprendre combien il est heureux dans sa nouvelle vie.
Ni papiers, ni expulsion
Aujourd’hui, Susanna ne peut accepter que des petits boulots, faute d’un titre de séjour qui lui permettrait d’être embauchée. Elle est aussi bénévole à la CroixRouge, notamment pour l’accueil, en russe, des réfugiés ukrainiens. Comment expliquer ces blocages administratifs qui lui ont déjà valu deux obligations de quitter le territoire, annulées en justice depuis ? Pour Me Maony, son avocate, Susanna et son fils sont dans une situation de « ni-ni » : ni papiers, ni expulsion. L’avocate pointe aussi la rigueur de la préfecture du Finistère qui est très fermée face à ces situations familiales particulières. Mais Susanna continue d’espérer son statut de femme française et, le jour venu, elle lâchera son mot fétiche : « Impeccable » !